Un chien andalou
Le film, un chien andalou sortie en 1929 est un court-métrage surréaliste, en noir et blanc écrit et réalisé par Luis Bunuel en collaboration avec le peintre Salvador Dali, tout deux acteurs dans ce film. Bunuel a reçu la Palme d'Or au Festival de Cannes et le Grand Prix d'Humour Noir à Paris, avec son film Viridiana tourné en 1961. Mais c'est avec un chien andalou qu'il connait son premier grand succès, mais aussi ses premières critiques. Il est difficile de raconter le scénario d'Un chien andalou car ce n'est pas un film que l'on peu qualifier de linéaire. Le court-métrage commence par un homme (Lois Bunuel lui même) qui coupe l'œil d'une femme avec un rasoir, un jeune homme désire un femme mais traine derrière lui des animaux morts sur des pianos, un homme est mis au pénitencier par son propre double... Tout au long du films, des personnages et objets surgissent à tout moment et surprennent le spectateur ce qui a pour but de bouleverser la conception de l'espace et du temps.
Nous pouvons à partir de là dégager la problématique suivante, en quoi ce film est-il le sujet principal des critiques de l'époque ?
Nous répondrons a cette question en traitant en premier temps le contexte historique et cinématographique ainsi que le surréalisme qui ce dégage de ce film et dans un second temps, nous évoquerons les analyses et critiques qui ont étés faites à son sujet.
I- Contexte historique et surréalisme
A- Contexte historique et cinématographique
De grands bouleversements culturel, historique et artistique se sont opérés en Europe à l'arrivée du XXe siècle. Cette période fut marquée par deux guerres extrêmement violentes.
L'Europe vit émerger des mouvements totalement innovateurs comme le Cubisme, le Dadaïsme, l'Expressionnisme, le Futurisme ou encore le Surréalisme. Le Surréalisme, né des activités Dada de la Première Guerre mondiale dont le noyau était à Paris, se proposait de dépasser toute esthétique ainsi que toute logique artistique, se convertit en un concept à caractère révolutionnaire. Ce mouvement s'est par la suite ralliée aux idéaux communistes de l’époque. À partir des années 20, le mouvement se propagea dans le monde entier, affectant les arts visuels, la littérature, le cinéma, la musique, la langue ainsi que la pensée politique, la philosophie et la théorie sociale. Après la première guerre mondiale, le cinéma devient un média jugé digne d'intérêt par les artistes.
Suite à la deuxième guerre mondiale le monde cinématographique subira de grandes transformations.
L’après-guerre avait été un frein considérable au développement cinématographique sur le vieux continent.
Les productions nationales européennes firent faillite laissant à l’industrie américaine une porte ouverte sur le contrôle cinématographique européen. Malgré cette influence, d’autres réalisateurs tels que Luis Buñuel sortiront du moule américain, apportant au cinéma un champ de vision tout à fait moderne et révolutionnaire.
Buñuel s’est imprégné du surréalisme durant ses années passées à la Résidence, et on retrouve cette fascination dans ses première tentatives littéraires à Madrid. L’impact artistique du mouvement surréaliste en Espagne survient durant la même période qu’en France, en 1916 mais ne se présentait pas en tant que support politique.
B- Le surréalisme
Le surréalisme est un mouvement artistique qui voit le jour dans les années 20. Les caractéristiques des œuvres surréalistes sont principalement la surprise et la juxtaposition mais aussi le mélange d'érotisme et de macabre. Mais de nombreux artistes et écrivains surréalistes prônent une expression philosophique et révolutionnaire. Le scandale n’était pas pour leur déplaire, au contraire, ils le cultivaient comme une arme privilégiée. Les films surréalistes s'inspirent de la psychanalyse de Freud, leur narration ne repose sur aucune logique (ils ne se reposent pas sur une histoire proprement dite) et ne s'inscrivent pas dans un contexte réaliste. Les réalisateurs de ce courant font appel au rêve et a l'esprit dans le but de représenter selon eux, le fonctionnement réel de la pensée. André Breton (1896-1966) définit le surréalisme comme étant une « Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » dans son Manifeste du surréalisme publié en 1924. La rencontre entre Buñuel et le groupe de Breton se fit à la fin du mois de juin 1929, en effet, Breton avait entendu parler du chien andalou comme étant un film qui s'inscrivait dans le courant surréaliste, ce qui éveilla sa curiosité. Après la projection du film Breton le désigne comme étant le cinéaste officiel du groupe. Néanmoins,quelque temps après Un Chien Andalou fut rejeté par le groupe surréaliste malgré le succès qu'il rencontrait. Il fut même l'occasion d'un procès fait à Buñuel car il avait accepté que La revue de cinéma, éditée par Gallimard, publie son scénario. Buñuel du donc se rendre à l'imprimerie pour se rétracter et interdire la publication mais c'était trop tard.
Le Chien andalou qui a tendance à être associé au mouvement surréaliste doit plutôt être vu comme l'émanation du climat dans lequel baignait Bunuel et Dali dans la résidence d'étudiants à Madrid.
C- Bunuel et Dali
Bunuel et Dali, sont deux très grands noms de l’art au XXe siècle dont l’amitié remontait au temps de leurs études à Madrid, ils étaient encore deux parfaits inconnus lors de l'écriture du scenario du court-métrage. Buñuel a ainsi raconté cet épisode: “Dali me dit: Moi, cette nuit, j’ai rêvé que des fourmis pullulaient dans ma main. Et moi: Eh bien ! Moi, j’ai rêvé qu’on tranchait l’œil de quelqu’un”. L’idée d’Un chien andalou était née. Le scénario écrit en six jours est un montage de rêves enchaînés, qui ne relève d'aucune intervention volontaire des deux scénaristes. Buñuel rapportera à propos de cette réalisation unique en son genre que « le scénario fut écrit en moins d’une semaine selon une règle très simple […] ouvrir toutes les portes à l’irrationnel. N’accueillir que les images qui nous frappaient, sans chercher à savoir pourquoi ». Il ouvre ainsi au cinéma les portes du surréalisme. Dali a sans aucun doute un poids important dans ce projet créatif. En effet, on trouve une déclinaison des motifs qui lui sont propres, que nous développerons plus tard. Les deux amis s'attendaient à être beaucoup critiqués. Mais à leur grande surprise, le film a été un succès notamment auprès du mouvement surréaliste. Par la suite, Buñuel et Dali ont co-écrit le film L'Age D'or, qui a également suscité la controverse.
II- Analyse et critique
A- Des symboles caractéristiques de l'œuvre de Salvador Dali
→ extraits « fourmis » : 3m57 - 4m22
Les fourmis se présentent partout dans l'œuvre de Dali, pour lui elles étaient un symbole de la mort. Durant son adolescence, il regardait des fourmis illuminées par des gouttes phosphorescentes lors des rites « de l'exorcisme de la mort ».
→ extrait « piano » : 7m45 - 8m53
Pour Dali, le piano à queue était le symbole de la décadence de l'art au service des classes réprimandes. Dali publie en 1928 L'âne pourri, un ouvrage surréaliste où il donne les bases de sa méthode « paranoïaque-critique ». C'est une méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basé sur l'association interprétative-critique des phénomènes délirant.
→ extrait « double » : 11m - 11m50
Dans le court-métrage, l'homme qui était d'abord habillé comme femme de ménage tue l'homme qui était venu le réprimander, mais qui était lui même (c'est-à-dire, son « double »). Cela pourrait bien être le symbole du désir de Dali de laisser en arrière son frère ainé, aussi appelé Salvador et mort neuf mois avant la naissance de celui ci L'artiste se considérait le remplacement d'un enfant bien aimé, dont la mort était la seule raison de son existence. Certain éléments ne sont pas totalement dénués de sens si l'on connait les œuvres de Dali, néanmoins elles n'ont aucun lien entre elles. Car rappelons le, ce film est constitué des rêves de Dali et de Bunuel qui semble pour nous dénué de sens.
B- Un labyrinthe de sens
Le plus fascinant dans ce film c'est que même si l'on connait toutes ces approches, elles n’entament en rien le choc que procure chaque vision qu'il propose, ni son mystère. Pour essayer de comprendre comment ce film unique continue de tenir tête face aux différentes analyses, peut-être faut-il se pencher sur l'origine de sa naissance qui rappelons le est une sorte de medley des rêves des deux scénaristes. Bunuel déjoue constamment l'attente du spectateur (intertitres spatio-temporel), et ouvre son imaginaire à l'infini, le récit fonctionne ainsi par association d'images aussi la femme qui de fait trancher l'œil au début film a toujours ses deux yeux deux ans plus tard. Sa cohérence tient à la récurrence de motifs, d'objets, de personnages qui écrivent bien une histoire, mais sur un mode qui est totalement nouveau, et purement cinématographique. Le titre peut aussi être à l'origine d'un analyse car il ne semble pas illustrer le film qui ne parle en aucun cas d'un chien. On a longtemps cru que Le chien andalou était le surnom moqueur qu'avaient trouvé Buñuel et Dali pour désigner leur ami et poète Federico Garcia Lorca, ce dernier l’ayant pris pour une attaque personnelle. En réalité, le titre est comme le reste du film, sans sens véritable, surréaliste et donc sujet à beaucoup d'interrogations. Le film un chien andalou, est un des rares films qui continue encore a faire parler de lui car de nouvelles interprétations ne cessent d'être proposé à son sujet. Bunuel ne cessait de répéter que toutes les interprétations qu'il avait entendu étaient toutes fausses.
C- Les critiques
Les critiques qui ont pu être faites touchent surtout les thèmes abordé par les rêves des deux amis. Il y a tout d'abord le goût de la provocation qui se manifeste par une évocation crue et libérée de la sexualité.
→ extrait « pelotage » : 6m25 – 7m15 (menu première image)
Il y a un dans une scène un pelotage de seins qui plonge un homme dans un état d'extase bestial, avec ses yeux qui se révulsent. Le mélange d'érotisme et de macabre joue aussi un rôle important, en effet, un homme jubile après avoir vu un personnage se faire écraser par une voiture. A la fin du film, une jeune femme part vers l'horizon avec l'homme qu'elle aime, nous les retrouvons plus tard, "au printemps", comme deux cadavres momifiés à demi-ensevelis dans le sable. Le public n’a pas compris le fond moral du film, qui est dirigé directement contre lui avec une violence et une cruauté totales. Le film est aussi célèbre pour une scène considérée comme horrifiante qui avait choqué à l'époque et qui a longtemps été censuré dans de nombreux pays.
→ extrait « œil » : 1m05 - 1m45
En effet, dès les toutes premières minutes du film, une femme se fait trancher l'œil avec une lame de rasoir par Buñuel lui-même. Ce passage est pourtant très important dans la compréhension du film car c'est un avertissement donné par le réalisateur lui-même. Il cherche à montrer que ce film n'est pas comme les autres.
Breton avait affirmé que ce qui compte, ce n'est pas ce que que Bunuel a voulu dire mais ce qu'il a dit. L’important demeure que ce film est le fruit de la rencontre entre deux imaginaires, en effet Un chien andalou, reste avant tout des scènes marquantes pour l'esprit. Le temps passe, et les images restent : l'œil qui se fait trancher, les mouches regroupées au centre de cette main, et ce couple enseveli dans le sable... Nous pouvons tenter de trouver des explications mais elles nous livrerons plus de choses sur nous même que sur le contenu du film. N'oublions pas que ce long-métrage est né de rêves de deux hommes, seul une analyse psychologique peut nous faire comprendre ce film, mais peut-être sur Dali et Bunuel n'ont pas chercher à créer un véritable sens à leur film, ils ont seulement suivit leur instincts qui leur disait de faire un film à partir de leur rêves.